Robert Berthaut, Du côté de l’époisses

 

EpoissesSi « le » Marcel (Proust) avait été Bourguignon, sa madeleine aurait été l’époisses. Une madeleine certes plus prononcée en effluves mais ce fromage crémeux mériterait aussi ces lignes que l’auteur consacre au petit gâteau dodu dans Du côté de chez Swann, « si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot…  »

L’époisses m’évoque immanquablement ces goûtaillons avec l’un ou l’autre ami vigneron devant une bouteille accompagnée d’un bon pain craquant coiffé d’une bouchée d’époisses, cueillie du bout du couteau. C’est qu’il est vivant ce fromage-là, prenant ses aises dans sa boîte de bois, offrant au nez comme à la langue des arômes puissants…

Ce n’était pas évident, pour un tel rebelle aux standards de dépasser les frontières de son village d’origine. Mais il l’a fait et si l’époisses est connu aujourd’hui dans le monde entier c’est grâce à un homme qui vient de disparaître : Robert Berthaut.

Avec son épouse Simone, il a sauvé de l’anonymat ce fromage, d’abord en reproduisant dans la cave familiale les gestes de sa tante et de sa grand-mère puis, se prenant au jeu, il a commencé à le commercialiser, achetant pour le produire son propre troupeau de vaches…

Depuis la petite fromagerie familiale a pris son envol, devenant une entreprise industrielle sous l’impulsion de Jean, son fils, puis propriété d’un grand groupe agro-alimentaire, tandis que l’époisses a obtenu son AOP et se déguste partout où l’on n’a pas peur de s’en prendre plein les narines et le palais. Un fromage de bon vivant, mais aussi d’esthète, car il gagne au fil du temps en saveurs et en complexité : ce n’est sûrement pas un hasard si l’époisses est né en Côte-d’Or, terroir par excellence du pinot noir…

A la famille de Robert Berthaut, à ses enfants, à son épouse Simone, je présente mes plus sincères condoléances. Et pour lui rendre hommage, quoi de mieux que d’ouvrir une bouteille, et sur un morceau de bon pain, prendre le temps de savourer un époisses, pardon un « Berthaut ».

 

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