Brexit : le Royaume-Uni file à l’anglaise

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On le sait depuis ce matin : les Britanniques ont choisi de quitter l’Union européenne. La campagne fut, du début à la fin, un crescendo de propos nauséabonds et scandaleux qui se sont progressivement centrés sur l’immigration. Elle aboutit aujourd’hui à ce résultat sans appel : 51,9 % des Britanniques approuvent la sortie de l’Union. Les partisans du Brexit exultent. Mais faut-il se réjouir ? Et que laisse augurer un tel vote pour l’avenir de notre pays et pour l’Europe ? Rien de bon, hélas…

Le non britannique est d’abord celui de la mainmise de l’UE. Loin des idéaux démocratiques et humanistes de Monnet et Schuman, loin des ambitions de paix et de prospérité de l’après-guerre, l’Europe d’aujourd’hui n’est plus qu’une machine technocratique à produire de la norme. Du calibre des concombres aux décibels des aspirateurs, des diktats sur l’agriculture via les subventions à la législation sur le travail… tout est passé au crible de l’UE. Le résultat ? Une vie quotidienne standardisée sur tous les plans, une disparition progressive des spécificités propres aux pays de l’Union – nos fromages au lait cru en sont un exemple ! – et un ras-le-bol des consommateurs comme des chefs d’entreprises qui ne voient plus l’Europe comme une opportunité économique mais comme un frein à l’investissement.

Ce ras-le-bol, les populistes de tous bords ont su habilement le transformer depuis une dizaine d’années en haine de l’étranger. Il n’est qu’à voir chez nous Marine Le Pen fustiger l’Europe (dont elle est, rappelons-le, une élue depuis 2004), réclamer à cor et à cri la fermeture de nos frontières au nom de la lutte contre le terrorisme, afin d’avoir une idée de la violence de la campagne qui s’est jouée au Royaume-Uni. L’acmé de cette violence s’est révélée le 16 juin avec la mort de la députée pro-Europe Jo Cox, assassinée par un militant d’extrême-droite. Après un silence décent de quelques heures, les attaques ont repris de plus belle et les arguments les plus fallacieux également.

Que voit-on ce matin ? Une livre sterling en chute libre, des marchés déstabilisés. Et des conséquences à long terme désastreuses pour notre pays : faute d’accord ultérieur de libre-échange négocié avec l’Union Européenne, notre commerce extérieur avec le Royaume (actuellement bénéficiaire) pourrait enregistrer jusqu’à 3,2 milliards d’euros de pertes additionnelles à l’export d’ici 2019. Le tourisme va souffrir. La vie des expatriés, les Français travaillant au Royaume-Uni comme les Britanniques vivant sur notre sol vont voir leur pouvoir d’achat fortement amputé. Et la liste est non exhaustive…

Quelles autres conséquences le Brexit aura-t-il ? Seul le futur nous le dira. Et il apparaît bien sombre. Car ce divorce à l’anglaise est un coup très dur pour la stabilité européenne qui pourrait tenter d’autres membres de l’UE, comme l’Autriche, où le discours anti-européen d’extrême-droite fait fureur. Attaquée sur ses frontières avec la perte du Royaume-Uni, l’Europe s’apprête aussi à être minée de l’intérieur par les Espagnols de Podemos.
Que faut-il en penser ? En transformant son idéal démocratique en enfer technocratique, l’Europe ne fait plus rêver. Elle a perdu ses partisans les plus fervents par trop de réglementation sans plus d’utopie ou d’espoir. En dévoyant son idéal humaniste de fraternité – il n’est qu’à voir l’attitude scandaleuse de l’EU face à la crise migratoire – pour le transformer en un rapport de bonne gestion par des fonctionnaires zélés pour des marchés financiers gourmands, elle a perdu son âme.

Et pendant ce temps-là, n’en déplaise à Marine Le Pen et aux partisans du Brexit, les migrants continueront d’affluer dans l’Europe entière pour espérer gagner l’Angleterre et ses mirages. L’Europe continuera de ramasser des cadavres sur ses plages et vivra désormais dans la peur qu’un autre de ses membres, emporté par une vague de populisme de droite ou de gauche, ne lui signifie à nouveau son congé.


Alain HOUPERT
Sénateur de la Côte-d’Or

 

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