6 mois à Lorient pour obtenir un passeport, 7 mois pour une carte d’identité, plusieurs semaines pour un certificat d’immatriculation, la dématérialisation des services administratifs, comme le reste de l’administration française est dans l’impasse.
Au-delà de la responsabilité du gouvernement et de l’échec d’une politique conduisant à la déshumanisation des services publics se pose une question plus grave encore : celle de la condition du citoyen. Comment ne pas s’inquiéter d’un pays qui – par incompétence, manque d’anticipation, désorganisation – entraîne les citoyens dans une spirale de contradictions.
Si la carte d’identité n’est pas légalement obligatoire, elle revêt en revanche un caractère impératif dans le quotidien, le passeport l’est en revanche pour nombre de destinations. Quant au certificat d’immatriculation, il est obligatoire pour rouler mais également pour passer le contrôle technique, pour céder un véhicule.
Une enfreinte aux droits et aux libertés du quotidien
Nous sommes donc dans une situation ubuesque où l’État, censé assurer l’exercice plein et entier de la citoyenneté ne répond pas aux impératifs des Françaises et des Français. Il y a donc, derrière cette politique d’affaiblissement des services publics, une véritable atteinte à la liberté des citoyens français. Dans le contexte actuel de restriction incessante des libertés individuelles, comment ne pas y voir un acte volontaire ?
Récemment, Emmanuel Macron a annoncé vouloir renforcer la présence de l’État dans les territoires les plus ruraux pour lutter contre la montée du populisme. Mais à quelles fins ? Pourquoi renforcer la présence de l’État dans des territoires désertés par les services publics, en accord avec une doctrine de dématérialisation permanente des démarches administratives qui isole davantage encore nos concitoyens et les enfreint dans la jouissance de leur citoyenneté.
De fait, l’incapacité de l’administration à répondre aux demandes de passeports contrevient aux règles de la libre circulation en dehors de l’Union européenne. Celle de disposer d’une pièce d’identité de jouir au quotidien de droits et de services pour lesquels elle est réclamée. De plus, une mauvaise information et une méconnaissance exclue bien souvent le permis de conduite en tant que pièce d’identité officielle dans de nombreux organismes … du service public qui s’avère incapable d’assurer leur délivrance.
Dans le contexte actuel de sentiment d’abandon des territoires les plus éloignés, en l’absence d’interlocuteur réel dans les services préposés, comment ne pas faire le parallèle entre la perte du sentiment de nation et cette lenteur administrative engendrée par la dématérialisation.
Le retour de l’État passe par le retour de l’humain.
L’État doit en toutes circonstances permettre aux citoyennes et aux citoyens français d’exercer leurs droits. Aujourd’hui, le choix d’une administration désincarnée, sensée faciliter le quotidien, se dresse comme une enfreinte à cet exercice. Entre cette bureaucratie végétative et la technocratie qui nous gouverne, jusqu’à quand allons-nous accepter d’être dirigés comme des statistiques .
Quand l’administration n’assure plus la sécurité et les libertés des citoyens, c’est toute la notion de citoyenneté et de République qui est en danger. Y aura-t’il encore un humain au bout du fil ou derrière le guichet ? C’est ce que les Français demandent : du relationnel et du compassionnel.