VSD -> Etes-vous favorable à une limitation de l’immigration et si oui comment ?
Alain HOUPERT : L’immigration, ce n’est pas une entité en elle-même. Ce sont des situations particulières que nos valeurs humanistes nous obligent à prendre en considération. Nous devons nous saisir du sujet de l’immigration. A trop le considérer comme LE sujet de l’extrême-droite, il nous a échappé et constitue aujourd’hui le lit du populisme et de l’extrême droite. Nous avons failli sur ce plan là. Plus que de savoir si nous devons limiter l’immigration, ce qui pose des questions humanistes importantes, c’est de savoir comment nous devons l’organiser.
Mais pour l’organiser, il faut déjà savoir de quoi nous parlons réellement, hors des discours alarmistes :
– La population étrangère qui n’a pas acquis la nationalité française n’a augmenté que de 1 % depuis 1975 pour atteindre 7,6 % en 2020. Nous sommes donc loin du grand remplacement brandi par certains hommes Politiques.
– Quand on dit que les étrangers bénéficient en majorité des prestations de la Caisse d’Allocations familiales, c’est faux. La part réelle est de 10 % des personnes de nationalité étrangère, ce qui fait que 90° % des allocations sont versées aux Français.
-> Doit-on appliquer des quotas comme au Canada ?
Sur quelle base ? Sur le nombre ? Sur le métier ? Sur l’origine géographique, ethnique ?
La France et le Canada n’ont pas la même histoire et c’est d’ailleurs l’un de nos problèmes.
Nous sommes un ancien colonisateur et à ce titre nous avons un relent de culpabilité qui nous incite à nous montrer plus laxistes.
Je ne suis pas d’accord avec la politique étrangère du Président de la République qui consiste à sillonner le monde pour porter les excuses de la France. Notre génération n’est pas responsable de ces choix géopolitiques passés et nous n’avons pas à porter la responsabilité de cette colonisation, même si nous devons reconnaître ce qu’elle a pu entraîner d’injustices dans les pays colonisés.
Et c’est aussi sur la base de ces injustices que les populations étrangères peuvent se sentir blessées. Je le comprend. Mais ce n’est pas à notre génération et à nos enfants de faire amende honorable. Porter un jugement sur le passé, oui. Vouloir le réparer, c’est une mission impossible.
-> Comment assimiler des étrangers de culture et de religion très différentes ?
Quand vous êtes invité chez quelqu’un, vous venez avec votre culture, et votre religion. Mais parce que vous êtes invité, vous respectez votre hôte qui vous respecte également.
Depuis 60 ans, au lieu d’accueillir les étrangers en France et de leur proposer d’être « avec nous » nous les avons considérés comme « l’autre ».
Les partis d’extrême-droite sont entièrement responsables de la situation : ils dénoncent aujourd’hui ce qu’ils ont eux-même alimentée par leurs discours séparatistes.
Jouer aujourd’hui les pompiers incendiaires ne servira que leur cause personnelle mais certainement ni le pays, ni la question de l’immigration.
La France est une terre d’accueil. En vieux Français issu du latin, accueil c’est se réunir, être ensemble, s’associer. C’est à dire porter un objectif commun. Ce doit être le socle commun de l’immigration : l’apprentissage de la langue est une nécessité, la formation professionnelle qui permettra de créer de vrais échanges avec des savoir-faire et l’adhésion aux principes de la République. L’accueil des étrangers doit être solennel. Ils doivent comprendre qu’ils ont des droits, mais aussi des devoirs. Finalement comme tout citoyen français. C’est ce que Ernest Renan définissait comme la Nation : la réunion de personnes différentes mais portant le même projet commun.
-> Risque des communautarismes exacerbés éloignés des valeurs de la République (je pense aux bars interdits aux femmes à Trappes ou aux prières de rue) ?
Ceux qui agissent ainsi n’ont pas compris ce qu’est la France. Dans ce cas là, nous devons être fermes.
Le principe d’égalité femmes-hommes n’est pas négociable. L’autorité Républicaine ne doit pas laisser faire. Il en est de même pour les prières de rues. Les principes de la laïcité définissent le cadre de la pratique religieuse. Nous avons la chance d’être dans un pays où la liberté religieuse est une réalité.
Ce n’est pas le cas dans tous les pays, et en particulier dans certains pays qui observent un islam politique. Les croyants, quels qu’ils soient, bénéficient, en France, de la liberté religieuse dans le cadre des lois de la République. L’Islam : la prière s’exerce dans l’intimité du foyer ou dans les lieux de culte. Pas ailleurs, pas dans la rue, pas sur le lieu de travail. Prenons garde. Rien n’est immuable et c’est ensemble que nous devons préserver cette liberté.
Nous sommes un pays laic. La Laïcité et la liberté religieuses sont l’affaire de toutes les religions. Nous avons tous intérêt à le réaffirmer.
-> La pression migratoire n’en est qu’à ses débuts : elle sera bientôt énorme sur l’ensemble de l’Europe. Que va-t-il advenir ?
Les changements climatiques, les instabilités politiques font que cette immigration sera inévitable. On ne peut reprocher à personne de vouloir survivre. C’est pour cela que nous devons dès aujourd’hui revoir notre politique d’immigration mais aussi notre politique internationale. Les pays qui devront faire face à ces vagues migratoires doivent travailler ensemble pour aider ces états à affronter les grands changements de demain et permettre à leurs populations de rester sur leurs terres : personne n’a naturellement le goût pour l’exil.