Scénario catastrophe pour le centre-ville

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Pompidou a eu son Beaubourg, Mitterrand sa pyramide, Chirac son musée : à défaut d’un destin national, François Rebsamen joue les présidents au petit pied en lançant sa Cité de la Gastronomie, version locale des « Grands Travaux ».

Soyons honnêtes : le projet en lui-même, connecté avec l’histoire et la mémoire de Dijon, est cohérent. Ce qui l’est nettement moins, c’est cette idée d’y inclure un cinéma généraliste de neuf salles (piloté par Ciné Alpes qui exploite déjà le multiplexe de Cap Vert) et un cinéma d’art et d’essai de quatre salles pour l’Eldorado qui maintient néanmoins ses trois salles existantes… le tout à quelques centaines de mètres du centre-ville qui en affiche déjà un nombre conséquent, à la limite du suréquipement : Dijon compte en effet une place de cinéma pour 41 habitants, quand la moyenne nationale est à 58. Ce chiffre passerait à 34 si les salles prévues dans la Cité de la Gastronomie ouvraient en conservant les équipements actuels.

Mais préserver l’existant est-il vraiment la préoccupation des promoteurs du projet ? On peut légitimement en douter : en privilégiant les propriétaires du ciné Cap Vert de Quétigny pour exploiter les salles de la Cité de la Gastronomie, on leur offre une position ultra-dominante sur l’offre cinématographique et la politique de tarification sur le territoire du Grand Dijon. Déjà le cinéma Devosge apparaît condamné. A terme ce sont les cinémas Olympia et Darcy et ses 19 emplois qui sont menacés.

Voir péricliter ses salles – une affaire familiale vieille d’un siècle héritée de son père et dont elle assure désormais la vitalité grâce à une débauche d’énergie – c’est l’angoisse de leur propriétaire, Sylvie Massu. Le comble quand l’argument avancé par les promoteurs de la Cité de la Gastronomie est de « rééquilibrer l’offre en centre-ville » ! Ne serait-ce pas plutôt le prévisionnel de fréquentation du grand œuvre de François Rebsamen que l’on tente ainsi d’équilibrer ? On avance le chiffre de 500 000 spectateurs par an quand le Darcy et l’Olympia revendiquent entre 420 000 et 430 000 spectateurs… où croyez-vous que ce chiffre de 500 000 entrées a donc bien pu être pioché ?

En fait de rééquilibrage, ce scénario cynique annonce plutôt une tragédie pour Dijon. Au nom de calculs politiciens sans le moindre fondement économique, le centre-ville et les commerçants risquent de connaître une hémorragie de fréquentation… voilà pourquoi je soutiens l’action de Sylvie Massu, qui a décidé de se battre pour sauver une certaine idée d’une ville où il fait bon vivre, où le centre-ville affiche son dynamisme grâce à la présence d’une multitude de commerces indépendants et n’est plombé ni par des monopoles ni par la soif de grandeur d’une poignée d’élus.

Alain HOUPERT
Sénateur de la Côte-d’Or

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