Je me suis abstenu lors du vote pour autoriser la réintroduction des néonicotinoïdes dans le traitement des betteraves. Un choix mûrement réfléchi, car ce retour en arrière est le signe d’un échec.
« Pendant six ans, rapporteur spécial pour l’agriculture à la commission des finances, j’ai rapporté les crédits du Casdar, compte consacré à la recherche agricole. Pendant six années, je n’ai eu de cesse de plaider pour en augmenter les crédits. Ce projet de loi est un pas en arrière, la consécration d’un échec. Il préfigure ce qui se passera pour le glyphosate. De fait, les objectifs et les ambitions des rois de la transition écologique sont accompagnés de moyens de mendiant. Je ne voterai pas pour un échec, je m’abstiendrai car je ne veux pas entrer dans un débat qui n’est qu’un sparadrap. » C’est ainsi que je suis intervenu lors du débat sur la réintroduction des néonicotinoïdes.
Rappelons le contexte : Mardi 27 octobre, le Sénat a examiné l’autorisation provisoire, pour les agriculteurs de la filière betteraves sucrières, d’utiliser les néonicotinoïdes pour lutter contre la jaunisse de la betterave. Cette pratique était interdite en France depuis 2016. Le débat est important : 46 000 emplois sont en jeu dans notre pays. Voilà pour le versant économique. Mais l’enjeu est aussi environnemental : ces intrants sont des prédateurs pour les insectes pollinisateurs, ils impactent les sols et le réseau hydraulique.
J’ai été, pendant 6 ans, le rapporteur pour les questions du paiement agricoles pour la Commission des Finances. J’ai co-signé un rapport sur l’état de l’agriculture biologique dans notre pays. J’ai auditionné des spécialistes sur les alternatives aux intrants chimiques. Et au-delà du débat écologie/économie, qui s’avère souvent stérile et idéologique, mon vote a été motivé par ma déception sur le versant de la recherche. Depuis 2016 – la France a été précurseur dans l’interdiction des néonicotinoïdes – je n’ai pas l’impression que la volonté politique a été en faveur de la recherche pour ces alternatives. Dans ces conditions, voter pour une autorisation, même transitoire – quelle garantie avons-nous à ce sujet ?- me semblait dangereux : si nous disions oui aux néonicotinoïdes, nous ne dirons jamais non au glyphosate ou à d’autres intrants dont la toxicité est démontrée – voire condamnée, comme pour ce qui se passe avec le RoundUp aux Etats-Unis. Les néonicotinoïdes pour la betterave, c’est leur retour pour la moutarde, puis le colza… Notre collègue Victoire Jasmin, de la Guadeloupe, a rappelé que les mêmes arguments ont permis l’utilisation du chlordécone aux Antilles : le résultat ? Des centaines de morts, des sols infectés, des cancers. Faut-il fermer les yeux sur ce retour d’expérience ?
Le Président de la République s’est fait élire en se présentant comme un champion de l’écologie : il me semble que les moyens du champion ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. Voilà pourquoi, et contrairement à la majorité des sénateurs de ma famille politique, j’ai voté l’abstention sur ce texte.
[Le texte a été adopté par 184 voix pour et 124 contre]