Voici une tribune qui m’a été inspirée par le récent scrutin en Corse et la situation en Catalogne. Je connais bien l’Île de Beauté pour être le rapporteur du PADUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) au Sénat.
Dimanche dernier, dans un contexte de forte abstention, la coalition nationaliste menée par Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni arrivait en tête au premier tour des élections territoriales en Corse avec plus de 45 % des suffrages. Très vite les yeux se sont tournés vers la Catalogne et sa fuite indépendantiste en avant… et aussi vite les observateurs en ont conclu qu’il y avait très peu de risque de voir les nationalistes corses imposer sur l’Île de Beauté un referendum sur son autonomie. C’est tout à fait vrai, d’un point de vue économique comme politique : ni le PIB de la Corse, ni son histoire ne lui permettent d’envisager sérieusement cette option. Mais il y a cependant une leçon à tirer de ces phénomènes. Cette leçon, c’est la défiance des citoyens vis-à-vis d’un pouvoir centralisateur autoritaire et leur désir d’une structure décisionnaire de proximité, consciente des spécificités historiques, culturelles et mémorielles de chaque territoire.
Les grandes Régions imposées par le gouvernement précédent ne prennent pas auprès de l’opinion : trop éloignées des préoccupations quotidiennes, elles disposent de compétences élargies mais confuses.
L’Europe, magnifique utopie politique et volonté commune de paix, s’est transformée au fil du temps en machine à fabriquer des normes et des directives, elle aussi bien éloignée des désirs profonds des peuples. La preuve en a été faite tout récemment avec le chaos concernant l’utilisation du glyphosate en agriculture, le vote allemand permettant à chacun de surseoir à la nécessité de légiférer tout en permettant à Emmanuel Macron de donner quelques gages de consolation à son ministre de l’Ecologie qui n’en finit pas d’avaler des couleuvres.
Dans ce contexte globalisé, flou et lointain, il n’est pas étonnant de voir les régions à forte identité culturelle comme la Corse réclamer davantage d’autonomie dans leur administration. Quant aux territoires ultramarins, ils devraient aussi faire valoir leurs revendications : le referendum d’autonomie de la Nouvelle-Calédonie en 2018 devrait être éloquent à cet égard.
Certains regretteront que le creuset de la Nation n’ait pas su fondre ces identités régionales en un modèle unique et indivisible. Mais l’Histoire a montré que seules les autocraties ont réussi – et à quel prix ! – cette fusion des caractères régionaux en un archétype national niant tout particularisme.
Le XXIème siècle devra pouvoir concilier un modèle national attractif, politiquement stable, fort sur la scène européenne et mondiale, avec la nécessaire prise en compte des particularismes et des légitimes désirs d’autonomie des régions. N’est-ce pas là la meilleure leçon et la plus sage à tirer de ce scrutin ?